Dimanche matin, 22 septembre, 4h45 AM, le cadran sonne. Il fait encore noir dehors. Il y a de ces matins où tu te réveilles, peu importe le nombre d'heures de sommeil dans le corps, et où tu es top shape, comme si tu venais de dormir 4 jours. Eh bien ce n'était malheureusement pas un matin comme ça. Dommage, ça aurait bien commencé la journée!
Sans que ce soit la pire nuit de ma vie, j'aurais bien dormi quelques heures de plus. Malheureusement, le début de la course est à 8h30, et je dois manger au minimum 3 heures d'avance sinon je vais courir les toilettes le long du parcours, c'est le cas de le dire (joke de course, douteuse).
Dernière chance de faire le plein de glucides. (Les glucides c'est pas mal cool, ça se stock d'avance dans le foie et dans les muscles, et ça t'évite de perdre connaissance quand ça fait plus de 3 heures que tu pousses la machine). Dernière chance de faire quoi que ce soit pour me donner une chance. Rendu là, j'ai 9 mois de préparation et une semaine de repas de pâtes dans le corps, sans compter tout mon stock de préparé la veille. C'est con mais t'es assez stressé un matin comme ça, que c'est pas le temps d'être en mode planification. C'est mieux d'être sur le pilote automatique.
La seule chose qui me reste à faire c'est d'écrire sur mon bras mes temps de passage voulus à chaque tranche de 5 km. Parce que oui, même quand t'as pas vraiment d'objectif, secrètement t'en a un. (Évidemment les temps de passage sont calculés la veille. C'est pas le temps de faire des maths le matin de la course. Pilote automatique!).
Une chose qu'il faut savoir le matin d'une grosse course comme celle qui se passe à Montréal, c'est que même si tu vas aux toilettes 3 fois avant de quitter l'apparte, tu vas devoir y aller une fois de plus pour pisser ton stress. Évidemment, ça va te pogner au moment exact où tu vas te souvenir qu'il y a 40 toilettes pour 32 000 personnes. Évidemment, quand la course commence dans 45 min. (Tu peux pas t'empêcher de faire des maths, d'estimer le lineup à 80 personnes par toilette, à espérer qu'au mieux c'est 1 minute par personne, et à arrêter de calculer quand tu vois que anyway, t'auras pas le temps).
Et là tu te fais une trail dans le monde, question d'arriver dans les premiers pour monter sur le pont Jacques-Cartier pour aller attendre en premier rendu dans la zone de départ qui t'es attribuée en fonction de ta vitesse de course. Même si t'as 42.2 km à te taper, t'as quand même 5 km de marche à faire avant entre le métro et la ligne de départ. C'est un peu crissant.
En avançant près des zones de départ, joie immédiate et ultime, il y a deux toilettes par zone de départ! Comme t'es dans les premiers à arriver (les autres attendent encore dans le lineup des toilettes en bas, you know?), ton lineup est de 4 personnes. YES!
TOUT EST PARFAIT.
Et là il commence à pleuvoir. Et il fait 8 degrés. Et t'es sur le pont Jacques-Cartier dans le gros vent sal. Et là tu regardes ta montre, et il reste encore 25 minutes avant le départ. Et là tu regardes le gars à côté de toi, qui se gèle, et qui te regardait drôle avant que la pluie commence quand t'es arrivé avec ton sac à vidage sur le dos qui descendait jusqu'à la mi-mollet, avec des trous pour les bras et la tête. Et là t'es un peu moins à la pluie, un peu moins à 8 degrés, et un peu moins dans le vent que lui. Et tu vois les moins chanceux qui ont pas eu le temps d'aller aux toilettes qui pissent sur le pont straight pipe pas de stress. Les filles aussi.
C'est un départ! Le stress tombe à zéro, le pilote automatique embarque. Tu fais ce que t'es pratiqué à faire depuis 9 mois. Sauf que tu t'es pas vraiment pratiqué à éviter les flaques d'eau parce que quand c'est le déluge, d'habitude tu reste dans ton divan. Mais là, point de divan il y a. Point de soleil non plus. Ça fait que t'as les bas tout trempe à cause des trous d'eau dans les 10 premiers kilomètres.
Rendu proche de la fin du demi-marathon, tu commences à voir des gens traîner de la patte trempe. Et là tu te dis que t'as encore la même distance à faire en plus. Mais quand même, ça donne un boost à l'égo quand tu vois la pancarte avec une flèche à droite qui dit "DEMI-MARATHON" et une flèche à gauche qui dit "MARATHON". Et c'est là que ça commence pour vrai. Et c'est là que tu te rends compte que presque tout le monde tourne à droite. Sauf le petit vieux qui passe en flèche vers la gauche. Réduction du boost à l'égo. Là t'essaies de te dire que c'est parce que lui ya plus d'expérience, qu'il pèse 50 lbs de moins que toi et que c'est normal qu'il aille plus vite que toi. En bout de ligne, ya quand même plus que le double de ton âge.
Le corps humain est fait pour courir environ 30-32 kilomètres. Après ça, le corps commence à mal réagir. Les douleurs commencent. Les glucides que t'as stockés pendant 1 semaine commencent à être près de pu de glucides stockés pentoute. Au moins ya les Gatorades et les gels Louis Garneau remplis de sucre qui te tiennent aller. Mais ceux qui ont pas mangé des pâtes pendant une semaine, et qui ont pas de Gatorade, et qui ont pas de gels, eux sont en train de commencer à marcher. D'autres s'étirent accotés sur des poteaux de téléphone pour chasser la douleur. Et c'est là que tu t'emballes parce que toi t'as pas fait les même erreurs que eux. Et là tu clanches. Tu clanches à un point où tu es en avance sur tes temps de passage qui commencent à s'affacer de ton bras à cause de ladite pluie-qui-a-gâché-ta-vie-les-dix-premiers-kilomètres. Et là tu te dis que les dix kilomètres qui restent vont être easy shot. Et là 1 km plus loin, tu entres dans une zone que seuls les marathoniens connaissent. Finalement, les derniers kilomètres seront pas si évidents que ça. Surtout que c'est terminé le temps où tu clanchais le monde. Surtout que t'as pu de gels Louis Garneau (product placement). Ni de Gatorade (product placement). Pour remplacer tout ça qui te manque, t'as un beau petit mal de coeur qui commence. T'es aussi un peu buzzé, vraiment sur le pilote automatique. Tu te demandes si t'es sur l'aller ou le retour du grand boute drette entre le Parc Lafontaine et le Parc Olympique. T'as mal partout dans les jambes. T'as aussi mal à un gros orteille que tu sais pas encore qu'il va être noir en-dessous de l'ongle même une semaine après la course.
Le truc rendu là, c'est de regarder le nombre de kilomètres à faire pour finir et de te souvenir ça correspond à quoi.
Il reste un tour de Lac Osisko.
Il reste un tour de Lac des Nations.
Et là, il reste deux kilomètres. Tu vois le chiffre 40 sur ta montre. Et là il commence à avoir du monde en crime chaque bord des clôtures. Parce que oui, le deuxième demi-marathon est pas trop rempli de monde pour encourager. Ça fait remonter le morale que t'as pu depuis un ti boute. Faut croire que le monde qui font la première partie du marathon font moins dur que ceux qui font la deuxième partie en plus.
Et là plus ya de monde qui encouragent, plus l'espace pour courir est moins large. Et plus t'as l'impression d'être en train de gagner la médaille d'or de la confédération des planètes. C'est le temps d'un dernier sprint. Tu regardes ta montre et t'es à 42.6 kilomètres, et ça fait te pas mal chier de pas avoir le compte exact. Surtout que tu t'es tapé 5 km de marche avant le départ.
Ligne d'arrivée à l'horizon. Ya une toune de Britney Spears par rapport qui décolle sur ton lecteur MP3 dans ta grosse playlist de musique random pour courir. Pis là tu te dépêches à skipper la toune pour pas arriver à la ligne d'arrivée en tapette. Fort Minor Remember the name qui décolle. Calisse oui!
Et là, t'es un marathonien. Tu réalises pas trop ce que ça veut dire, si ça veut dire de quoi. Mais la chose que tu sais, c'est que tu te retiens un peu, parce que ça donne des émôôtions accomplir un objectif pour lequel tu travailles depuis 9 mois. En fait t'as peut-être envie de verser une tite larme parce que t'as crissement mal aux jambes. Oui c'est pour ça, c'est exactement pour ça!
Et là, la récompense ultime. 42.2 km de combat. Tu la mérite en maudit.
Mais là juste avant, t'es pogné pour récupérer ça.