Dimanche matin.
Un dimanche de course comme bien d'autres. Pendant que les gens dorment, le cadran sonne tôt, 6h30 am. La routine d'un matin de course est bien rodée, je ne compte plus le nombre de courses que j'ai pu faire durant les 7 dernières années.
Quelque chose de différent cette fois-ci par contre. Anxiété et stress sont de la partie! La dernière fois où je me suis senti comme ça avant une course, c'était à mon premier marathon il y a quelques années. Je respire tranquillement, mais j'expire saccadé par moment. C'est la première fois où je m'attaquerai à la course à une distance de 21.1 km en sentiers, en montagne.
Peur de ne pas terminer.
Peur de terminer dernier.
Peur d'avoir l'air fou.
Peur de regretter de m'être inscrit à l'ultra-marathon 55 km de Bromont en Octobre...
Je prends mon auto direction Baldwin Mills près de Coaticook. 50 min de trajet à essayer d'anticiper comment le tout se déroulera.
Arrivé sur place, je récupère mon dossard, et en profite pour demander combien il y a d'inscriptions pour le demi-marathon. 19 personnes. Je suis assuré d'un top 20! L'organisateur de la course rencontre les coureurs avant la course pour expliquer les consignes de sécurité. C'est fou comment entendre "plusieurs montées difficiles, c'est du costaud" et "descentes très techniques avec un secouriste sur place s'il y a des chutes" n'aide pas à ma confiance. J'apprendrai plus tard qu'une fille est tombée au sol en pleine face dans une roche. "Mon nom c'est Luc et c'est moi qui a fait le tracé de la course. C'est après moi que vous pourrez sacrer pendant la grosse montée". Bon ça c'est l'insulte à l'injure!
Je regarde les 18 autres coureurs à la ligne de départ et je me demande ce que je fais là. Tout le monde à l'air en shape olympique comparé moi. Ils se connaissent presque tous et parlent des dernières courses de trail aux 4 coins du Québec. Je me sens tellement imposteur. Décidément, la course en trail vise une clientèle très, très, très cible. Je décide d'aller me placer en arrière complètement pour ne pas être dans les jambes.
Le départ est lancé pour la première des deux boucles de 10 km. Je me joins à deux coureurs devant moi. La première section prend 12 minutes (1.85 km) pour se rendre aux sentiers de la montagne. Déjà une centaine de mètres de dénivelé dans les jambes et je pompe l'huile. Les deux coureurs avant moi ne l'ont pas facile non plus.
La deuxième section prend 21 min (2.50 km) sur 215 mètre de montée. C'est infernal. Câlisse de Luc. Les deux coureurs me distancent peu à peu. Je suis carrément en train de marcher. J'ai besoin de mes mains pour m'agripper à des roches ou des arbres à certains endroits tellement la montée est abrupte dans un champ de roches grosses comme des ballons de plage. Je rejoins et dépasse une fille qui semble en avoir plein son casque elle aussi. Rendu en haut, les coureurs avec qui j'étais s'arrêtent un peu pour prendre une pause. Je serre les dents et je continue.
La troisième section est la fameuse descente technique avec le secouriste. Une centaine de mètres de dénivelé sur 500 mètres distance. 500 mètres qui prennent 5 min à faire tellement c'est difficile de descendre. Je comprends maintenant la raison des lumières rouges qui flashaient juste avant d'amorcer la descente.
La quatrième section remonte une fois de plus en haut de la montagne. Environ 1 km de distance avec 115 mètres de dénivelé. Une dizaine de grosses minutes de souffrance. Presque aussi atroce que la montée de la deuxième section. Je rejoins un autre coureur avec un chandail noir et je le talonne sans vouloir le dépasser.
La cinquième et dernière section descend sur 4 km jusqu'à la ligne de départ pour compléter la première boucle. Je décide de larguer le coureur au chandail noir. Une vingtaine de minutes plus tard, tout sera à refaire une seconde fois. Vers la fin de la première boucle, je croise les meneurs qui ont déjà entamé leur deuxième boucle. Ils doivent avoir facilement 15 minutes d'avance sur moi.
Durant la première section pour me rendre à nouveau vers les sentiers de la montagne, je croise le coureur au chandail noir qui termine sa première boucle. J'ai une solide avance sur lui. C'est bon pour le moral. Je dépasse tranquillement pas vite deux autres coureurs. Je complète la première section 2 minutes plus lentement que la première fois, la fatigue commence à embarquer.
Je complète la deuxième section avec 3 minutes de plus que la première fois. Bon okay, j'ai arrêté pour pisser contre un arbre, ça doit expliquer en partie mon retard. Ça et le fait que je marche sans arrêt dans l'interminable montée. Luc esti...
De retour à la descente de la troisième section, je prends mon temps. Les jambes et chevilles sont fatiguées, et ce n'est pas le temps de prendre une débarque. Je prends encore du retard ici et là. Il fait chaud, je n'ai presque plus d'eau. Mon linge lui ne manque pas d'eau et est trempe à lavette et commence à devenir lousse. Je commence à perdre mes shorts!
La quatrième section qui remonte à nouveau en haut du Mont Pinacle est un véritable chemin de croix. Je marche de A à Z. Malgré tout mon coeur bat à 170 bpm. Le retard s'accumule une fois de plus. Je croise un bénévole qui me demande comment vont les cuisses. J'imagine que j'ai l'air d'une épave.
Durant la dernière section qui descend jusqu'à la ligne d'arrivée, j'entends des encouragements de spectateurs derrière moi. Je me retourne, le coureur au chandail noir est là! Impossible, j'avais tellement d'avance! Il doit être à 400-500 mètres derrière moi. Je n'ai plus de jus et je commence à me résigner que je vais me faire passer à la toute fin. Ça devait faire 45 minutes que je courais seul, sans personne en vue ni en avant, ni en arrière de moi.
Moins de 1 km, le sentier est très technique. Plusieurs petits ponts en bois. J'ai les chevilles qui virent sur les côtés dans les descentes remplies de roches tellement mes jambes sont épuisées. En quittant l'avant dernier point, j'entends le coureur en arrière de moi embarquer dessus. 10 mètres en arrière de moi. Je décide alors de garder mes énergies et le laisser me rejoindre jusqu'à la toute dernière portion en terre battue, avec peu d'obstacles. Je serai davantage dans mon élément de coureur sur route pour donner tout ce que j'ai.
Dernière petite descente et dernier pont à 4 marches à passer par dessus la rivière. C'est maintenant ou jamais. Je décide d'écraser la pédale. J'arrive au pont et je skip les 4 marches d'un coup. Les 4 marches pour descendre du pont aussi. J'accélère au maximum. Pace de 4 min 30 dans une portion où j'allais normalement à 6 min du kilomètre. Fréquence à 185 bpm. Je n'ai aucune idée si je vais pouvoir tenir ça longtemps, encore moins si je pourrai le faire jusqu'à la fin ou si je vais casser et me faire dépasser. J'en ai pour peut-être 90 secondes avant de terminer ma course. Pas question qu'il l'ait facile s'il veut me dépasser.
Je vole par dessus les trous d'eau, les racines et les roches. Je coupe les courbes en maximum. Je vois le sentier au loin qui sort du bois pour déboucher sur l'aire de départ. En sortant du bois je regarde en arrière pour voir où l'autre coureur est rendu. Je ne le vois plus!!!
Je franchi la ligne d'arrivée brûlé raide. Je me couche au sol. Le coureur au chandail noir termine et vient me voir, me taper dans la main, pour me dire que j'étais une machine, que j'ai terminé en force ça a aucun sens. Son ami arrive, il me pointe en me disant que lui (moi!!) c'est une machine.
J'ai terminé 11e sur 20, ce qui n'est pas super impressionnant. 25 minutes derrière le gars en première place. Grosse volée. Malgré ma peur et mon sentiment d'imposteur avec ces coureurs qui m'impressionnaient tant à la ligne de départ, il semblerait que je suis une machine aux yeux de l'un d'entre eux! Wow!
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