lundi 4 septembre 2017

L'envers de la médaille

Au moment d'écrire ces lignes, j'étais encore en train de courir il y a 48 heures. 

Mon corps le ressent encore vivement, mais dans ma tête ce n'est pas clair, ce n'est pas certain si j'ai même fait la course. Même si j'essaie de me rappeller de ma journée, je n'ai que des flashs ici et là, sans être à 100% certain de l'ordre dans lesquels ces brefs souvenirs se sont déroulés. Quelques suites de sons et d'images sans plus. 

Je me souviens d'une dame qui m'a offert à manger car elle avait peur que je tombe... 

Je me souviens de m'être assis après 42 km, plus fatigué qu'à la normale pour cette distance, en me demandant comment j'allais être capable de refaire la même distance une seconde fois...

Je me souviens de m'être fait demander par un bénévole et quelques coureurs si ça allait... 

Je me souviens d'un homme passé 65 ans qui a rapporté ma glacière à l'auto car je n'avais plus l'énergie de le faire...

Ce n'est pas la première fois que je pousse mon corps à la limite. Depuis aussi longtemps que je me souvienne, j'ai toujours eu une très grande tolérance à la douleur. Un peu trop même, jusqu'à courir blessé à en avoir mal chaque jour pendant des mois, ou courir jusqu'à en perdre connaissance. C'est toujours mon corps qui a flanché en premier, ma tête voulant toujours continuer même si ce n'est pas une bonne idée. 

Mais pas cette fois. Il y a 48 heures, c'est ma tête qui a flanché. Après 12 heures à accumuler les kilomètres, tu finis par te jaser à toi-même, une sorte de monologue sans but avec parfois peu de sens. Après 150 tours à dire aux marqueurs ton nom quand tu passes devant eux, tu as l'impression que ton nom est devenu une suite de syllabes sans aucune signification, à te demander même si tu le prononces encore comme il faut.  

Il y a 48 heures... 

Je me souviens d'avoir eu peur de ne pas réussir, peur à en paniquer...

Je me souviens d'avoir été angoissé de décevoir, de ne pas être à la hauteur...

Je me souviens d'avoir fleurté avec l'abandon pendant au moins 5 heures...

Je me souviens de m'être demandé frénétiquement pendant 80 minutes si c'était plus économe de courir le dernier 100 mètres d'un kilomètre ou le dernier 150 mètres d'un 500 mètres...

Je me souviens de m'être laissé choir de fatigue dans ma chaise pour me mettre à me répéter en boucle que je devais avancer, que je devais avancer, que je devais avancer, que je devais avancer, qu'en étant assis je n'avançais pas, pour me relever 40 secondes après et repartir, pas vraiment reposé...

Je me souviens d'avoir essayé de convertir dans ma tête des bouchées de galette au chocolat en kilomètres en ayant mal au coeur...

Je me souviens d'avoir dit à un coureur que j'avais juste hâte que ça finisse quand il restait encore plus de 4 heures...

Je me souviens de m'être mis à pleurer à grosses larmes devant ma blonde en lui disant que j'étais tanné quand il me restait encore plus de 15 kilomètres...

Pourquoi avoir continué dans le fond? Je ne sais pas.

De toute façon je peux rarement en parler réellement car c'est quelque chose que peu de gens comprennent. J'aborde la pointe de l'iceberg, mais l'essentiel de tout ça reste dans ma tête.

Et parmis ces choses qui restent dans ma tête... 

Ce sont les encouragements des autres coureurs! "Petit train va loin!!" "C'est The Red Machine!!!"

C'est le sentiment de te faire donner un drapeau 75 km devant tout le monde que tu peux traîner avec fierté pendant un tour!

C'est la présence de ta famille qui fait quelques tous avec toi avec la poussette en te disant mentalement que tu vas avoir quelques leçons de persévérance à raconter à ton petit plus tard!

C'est la présence d'un coureur hors-norme qui prend le temps de prendre une photo avec toi et ton drapeau, et qui te dit que la douleur est temporaire et que la gloire est éternelle!





1 commentaire:

  1. Bravo chum. Je m'incline avec égard et émerveillement devant ta performance. La pointe de l'iceberg est peut-être le siège de l'isolement, mais elle construit par le fait même une vocation: celle de nos nouveaux marqueurs de limites. On a tous besoin d'être inspiré Norm et plus tu vas haut, plus tu infuses à une masse sensible à ce genre de réalisation ta foi inébranlable des saines habitudes de vie. Merci Norm. Les postes de promoteur de l'action et de figure de proue te siéent à merveille.

    Salut, Norm.

    Ton ami,
    Turg

    ps: "[...] tu as l'impression que ton nom est devenu une suite de syllabes sans aucune signification." La satiété sémantique. Ça existe pour vrai. T'es pas fou ;)

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